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Recherche : Le lien entre la nature et l’intégration, le bien-être et l’activité chez les immigrants

Recherche : Le lien entre la nature et l’intégration, le bien-être et l’activité chez les immigrants

Merci à Ulises Charles Rodriguez, candidat au doctorat Population Studies in Health, et à Dr Richard Larouche, professeur adjoint en Santé publique à l’Université de Lethbridge, pour cette publication.

Les changements climatiques, les conflits et la guerre font que plus de personnes doivent quitter leur pays d’origine. La migration internationale a connu un bond au cours des dernières décennies, néanmoins, le succès ou l’échec des séjours migratoires des migrants dépend largement de leur adaptation réussie à leur nouvel environnement. Si plusieurs sources ont montré l’importance de l’intégration sociale des immigrants pour qu’ils vivent mieux leur migration, on a accordé moins d’attention au rôle que jouent les environnements naturels dans l’adaptation et le bien-être des migrants.

Joseba Achotegui, anciennement secrétaire au Service transculturel de l’Association mondiale de psychiatrie, a noté que les caractéristiques environnementales peuvent être des sources de souci ou de stress migratoires. On entend souvent que les migrants rêvent de leur lieu de naissance ou qu’ils s’ennuient des paysages, couleurs, plantes et animaux. Mais la recherche suggère que les environnements naturels peuvent aussi jouer un rôle positif en favorisant le bien-être des migrants.

Nous avons récemment publié une revue exploratoire (en anglais) résumant les recherches parues sur le lien entre la nature et le bien-être, l’intégration et l’activité physiques chez les migrants. Nous avons ainsi relevé plusieurs études qui soulignent que le rôle que jouent les environnements naturels par rapport à l’intégration et au bien-être chez les migrants est sous-estimé.

La conclusion la plus fréquente dans ces études est que le fait d’être exposé aux éléments naturels encourage le sentiment d’appartenance à un lieu nouveau.

La fréquentation des milieux naturels est une expérience concrète importante qui fait appel aux mouvements du corps et à la perception sensorielle. Ces expériences peuvent être essentielles pour découvrir les aspects agréables de la vie dans un nouveau lieu. Des visites régulières dans des environnements naturels peuvent également contribuer à développer un sentiment d’appartenance et d’attachement à un lieu, tous deux essentiels lorsque l’on s’installe dans un nouveau pays. Abramovic, Turner et Hope, de l’Université de Canberra, ont nommé ce processus l’« harmonisation au lieu », soulignant ainsi les procédés intuitifs et affectifs qui surviennent lorsqu’une personne est plongée dans un nouveau cadre naturel.

Les environnements naturels peuvent aussi être des lieux où se rencontrer et discuter, ce qui favorise l’inclusion sociale.

Karin Peters, de l’Université Wageningen, a expliqué que les espaces publics, comme les parcs, peuvent encourager les sentiments de « communion » entre les gens de souche et les migrants. De même, Jay et Schraml ont défini les zones boisées comme des « lieux universels » qui contribuent au processus d’intégration des migrants qui les fréquentent. En outre, les cadres naturels peuvent également être des environnements culturels ou des espaces qui permettent la reconnaissance, par exemple en donnant aux immigrants une visibilité sociale, en réduisant la racialisation et en facilitant la représentation des différences corporelles.

L’association entre les environnements naturels et le maintien d’une bonne santé mentale et physique est un point qui ressort dans la littérature.

La nature offre des possibilités pour se retirer et relaxer dans le contexte du processus de migration. Les immigrants peuvent ainsi bénéficier du rétablissement et des émotions positives qui découlent du contact avec la nature, en particulier les sentiments de paix, de sécurité et d’appartenance. Ces expériences peuvent être précieuses pour les personnes susceptibles de subir un stress inhérent à l’acculturation et de rencontrer des difficultés au moment de s’établir. En outre, les milieux naturels peuvent être des lieux importants de socialisation avec les amis et la famille, ce qui contribue au bien-être social des migrants et valorise les traditions culturelles et familiales.

Les jardins communautaires sont des lieux d’activité physique bénéfiques pour la santé des immigrants. Le jardinage peut augmenter la consommation de fruits et légumes et contribuer au contrôle des maladies chroniques, comme le diabète. Les jardins communautaires peuvent également renforcer la sécurité alimentaire en tenant compte des spécificités culturelles et la transmission transgénérationnelle des compétences et des connaissances dans les communautés de tradition agricole.

Enfin, les environnements naturels peuvent encourager les migrants à s’adonner à l’activité physique, en particulier pour les enfants et les personnes âgées. Des chercheurs de l'Université du Minnesota ont remarqué que, nonobstant le statut d’immigrant, tous perçoivent les parcs comme des lieux où l’on peut faire de l’exercice. Néanmoins, les immigrants utilisent trop peu les parcs, et ils font face à de plus importantes barrières pour ce faire, d’abord parce qu’ils ne s’y sentent pas les bienvenus, en raison des limitations culturelles et langagières, des horaires des programmes et des coûts des activités. Nous avons remarqué que le niveau d’activité physique et le type d’activité choisie dans les milieux naturels différaient selon les groupes ethniques. C’est là une information importante pour ceux qui offrent des programmes basés dans la nature, car leurs programmes pourraient bénéficier d’une reconsidération sur la base de la composition démographique parmi leurs participants.

En résumé, les expériences en nature ont le pouvoir de créer de nouveaux souvenirs qui favorisent l’adaptation et l’attachement à de nouveaux lieux. Dans les pays d’accueil, le contact avec la nature peut aider à renouer avec les expériences positives vécues avant la migration et inciter les immigrants à adopter des modes d’utilisation spécifiques qui permettent de perpétuer la culture, le sentiment d’appartenance et le bien-être.

Bien que certaines des données identifiées dans cette recherche ne soient pas exclusives aux populations de migrants, elles nous aident à mieux comprendre que la nature est un facteur essentiel de l’intégration et du bien-être des migrants. Des chercheurs de l'Université McGill ont suggéré de conceptualiser l’espace vert en milieu urbain comme un déterminant social par rapport à la santé des nouveaux arrivants en raison de sa qualité permettant de diminuer le stress que ces personnes peuvent vivre lorsqu’elles s’installent dans un nouveau pays, particulièrement pour ce qui a trait à leur logement, l’éducation, la nourriture, leur emploi et l’apprentissage d’une nouvelle langue.

Notre analyse suggère que le rôle de la nature dans la vie des immigrants soit davantage pris en compte et que les immigrants participent davantage à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des programmes axés sur la nature.

Lisez l'article ici (en anglais).

Références

Charles Rodriguez U, Venegas de la Torre MDLP, Hecker V, Laing RA, Larouche R. The Relationship Between Nature and Immigrants' Integration, Wellbeing and Physical Activity : A Scoping Review. J Immigr Minor Health. 2022 Feb 24. doi : 10.1007/s10903-022-01339-3.

Achotegui J. Le syndrome d'Ulysse : le syndrome de l'immigrant au stress chronique et multiple. Espagne : El Mundo de la Mente (Le monde des esprits) ; 2014.

Abramovic J, Turner B, Hope C. Entangled recovery : refugee encounters in community gardens. Local Environ. 2019;24(8):696-711.

Peters K. Being together in urban parks : connecting public space, leisure, and diversity. Leis Sci. 2010;32(5):418-33.

Jay M, Schraml U. Understanding the role of urban forests for migrants-uses, perception and integrative potential. Urban For Urban Green. 2009;8(4):283-94.

Das KV, Fan Y, French SA. Park-use behavior and perceptions by race, hispanic origin, and immigrant status in Minneapolis, MN : implications on park strategies for addressing health disparities. J Immigr Minor Health. 2017;19(2):318-27.

Hordyk SR, Hanley J, Richard E. "Nature is there ; its free" : Les espaces verts urbains et les déterminants sociaux de la santé des familles immigrées. Health Place. 2015;34:74-82.