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Recherche : Étude d’un nouveau modèle de connexion humain-nature avec la forêt urbaine d’Halifax

Recherche : Étude d’un nouveau modèle de connexion humain-nature avec la forêt urbaine d’Halifax

Merci à Julietta Sorensen Kass, chef du projet Text-a-Tree, Dr Peter Duinker, Professeur émérite à la Faculté de gestion de l’Université Dalhousie, et Mike Smit, Vice-Doyen à l’École de gestion de l’information de l’Université Dalhousie, pour cette publication.

Être en contact avec la nature peut favoriser notre santé physique, mentale, émotionnelle et sociale. Cette phrase peut évoquer pour vous des images de levers de soleil au sommet d’une montagne, de collines et de vallées, de vastes parcs nationaux ou de forêts tropicales exotiques. Mais vous retrouverez également la nature dans les milieux urbains! En fait, la nature urbaine est la seule nature à laquelle nombre de Canadiens ont accès au quotidien. La recherche indique qu’aujourd’hui, les gens sont moins en contact avec la nature, et c’est ce qui a mené Julietta Sorensen, étudiante à la maîtrise en gestion des ressources et de l’environnement, à se questionner sur ce qu’elle pourrait faire pour aider les gens à entrer en contact avec la nature dans un milieu urbain. Lorsqu’elle a entendu parler d’un projet mené à Melbourne qui conviait les citoyens à envoyer par courriel des lettres d’amour aux arbres, elle s’est demandé ce qui arriverait si les gens pouvaient envoyer des messages textes aux arbres. Le message texte est souvent utilisé pour maintenir et développer des relations avec les autres, alors elle s’est dit que cette même technologie pourrait servir à créer ou à renforcer des liens avec les arbres.

Avec une communauté de partenaires, Julietta a lancé le projet nommé Text-A-Tree. Il s’agissait à la fois d’un projet de mobilisation et d’une étude de recherche, qui représentait son projet final pour l’obtention de son diplôme de maîtrise en gestion des ressources et de l’environnement. Quinze arbres ont été sélectionnés dans le Jardin public d’Halifax : un mélange d’espèces indigènes et étrangères, en accordant une priorité aux cultures micmaque et japonaise. Chaque arbre a été jumelé à un ou plusieurs bénévoles, à qui on a fourni des informations culturelles et biologiques sur leur arbre. Les bénévoles, se basant sur leur compréhension de leurs arbres, ont trouvé un nom, un genre et une personnalité générale à chaque arbre. Cette étape a permis de donner une « voix » à l’arbre, voix avec laquelle les participants pouvaient entrer en contact en envoyant un message texte au numéro se trouvant sur une affiche devant l’arbre. Au lieu de superposer des caractéristiques humaines à celles des arbres, l’objectif était d’utiliser une narration humaine pour présenter les particularités de chaque arbre. La philosophie de ce projet a été grandement influencée par le concept micmac de l’individualité, tel que l’a décrit Margaret Robinson.

Outre les informations nécessaires portant sur le consentement, les panneaux ne donnaient aucune indication sur ce qu’il fallait dire aux arbres; les participants étaient uniquement invités à leur envoyer un message texte. En coulisses, l’équipe s’est servie de la plateforme de service à la clientèle Zendesk pour gérer les messages, qui sont entrés à une vitesse et un volume bien au-delà de nos attentes.

Du 7 juillet au 31 août 2019, les arbres ont reçu un total de 10 643 messages provenant de 2888 numéros de téléphone différents! De toute évidence, ils n’étaient pas les seuls qui souhaitaient parler aux arbres.

Après la conclusion de la phase active de deux mois du projet, Julietta a analysé tous les messages entrants et a cherché quels étaient les concepts ou les éléments constants qui en ressortaient. Si la plupart d’entre nous sont habitués de considérer les arbres en milieu urbain pour le stockage du carbone, comme sources d’ombre, ou comme protection contre les inondations, elle a constaté que les participants accordaient une grande importance à leur relation avec les arbres.

Dans une très grande mesure, les participants ont pu voir bien au-delà des humains bénévoles « derrière » les arbres et ont agi comme s’ils tenaient une réelle conservation avec un arbre. Ils se sont comportés de manière agréable et polie et ont posé à l’arbre des questions sur son histoire, son bien-être, ses opinions et sur ce qu’il aimait.

Les participants ont posé régulièrement des questions sur qui était l’arbre et sur ses expériences. Les bénévoles ont répondu le plus précisément à ces questions en se basant sur certaines informations, comme l’âge approximatif, les événements historiques survenus à Halifax (p. ex., l’explosion d’Halifax, l’ouragan Dorian), les types de croissances (p. ex., des cicatrices, un angle irrégulier du tronc), et les caractéristiques des espèces (p. ex., production de fruits ou de fleurs, interactions avec d’autres espèces), pour formuler leurs réponses.

Le sondage final a révélé qu’à travers ce projet, le changement de connexion que partageaient les participants par rapport aux arbres urbains s’est amorcé par le processus d’apprentissage au sujet de ces arbres. Ce processus semble s’être vraiment concentré sur certains arbres en particulier et sur leur propre identité, au lieu de parler de façon générale d’une espèce ou des arbres dans leur ensemble. Cela se voit également dans les interactions qu’entretiennent les humains, où quelqu’un peut se réjouir d’en apprendre davantage sur une personne qu’il vient de rencontrer. Parallèlement, les résultats suggèrent que le plus grand bénéfice noté au cours de ce projet n’a pas directement trait aux acquis faits grâce aux interactions humain-arbre, mais plutôt grâce aux interactions elles-mêmes.

Parmi les objectifs principaux de tester ce projet, il y avait ce désir de comprendre ce que les gens trouvent important des arbres urbains, afin que l’équipe de recherche se serve de cette information pour ainsi mieux servir ceux et celles qui vivent parmi eux. C’est dans l’intérêt de tous que nos villes et sociétés tentent de faciliter les liens entre humains et nature. Text-A-Tree a démontré que la technologie peut représenter un outil fort utile pour aider les gens à créer un lien avec la nature urbaine et que nos forêts urbaines ont tout ce qu’il faut pour soutenir le lien humain-nature et leurs relations. Alors, si vous aviez la chance d’écrire un message texte à un arbre, qu’aimeriez-VOUS lui dire?

Lisez le texte entier ici (en anglais).


Julietta Sorensen Kass a agi à titre de chef de projet pour Text-A-Tree. Elle détient un baccalauréat en Sciences de l’environnement de l’Université de Lethbridge et une maîtrise en Gestion des ressources et de l’environnement de l’Université Dalhousie. Elle consacre ses recherches à la forêt urbaine et au réseau de relations socioécologiques qui la composent. Elle possède aussi une certification en tant que guide de thérapie en forêt, et son objectif est d’aider les gens à créer des liens avec la nature dans leurs lieux de vie, de travail et de jeu. Elle profite en ce moment d’un peu de temps à la maison pour explorer le monde de nouveau avec son premier enfant, son mari, et leurs perruches. Lisez le livre de Julietta sur l'expérience de Text-A-Tree ici.


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